Tout ce que j’ai lu depuis la nuit des temps sur le retour d’un grand voyage m’a toujours fait un peu peur. Disons que c’est très rare, voire jamais qu’on lit des textes nous expliquant tous les côtés positifs du retour. C’est plutôt une déprime post-voyage que la plupart des voyageurs vivent après un long périple sur les routes du monde. Notre retour d’Asie, je l’appréhendais depuis déjà un bon petit bout de temps, même si je n’ai pas voulu y accorder trop d’importance lorsque je me trouvais encore en terre asiatique. Maintenant que je suis de retour au Canada depuis 10 jours, je dirais que mes sentiments balancent d’un côté et de l’autre.
Je ne vous parlerai pas ici des bienfaits du voyage à long terme ou bien de comment on a grandi à travers tout ça ou de ce qui a changé en nous… Non, je ne suis pas encore rendue là dans mes réflexions. J’imagine qu’au fil des semaines et des mois j’arriverai de plus en plus à mettre le doigt là dessus et à assimiler tous les changements intérieurs qui auront découlé de ce voyage. Pour l’instant, je suis plutôt dans le choc du retour, dans l’incompréhension, un peu ici, encore beaucoup là-bas.
Le premier matin de notre retour, je partais déjà travailler. Oui je sais, je suis un peu folle des fois. En sortant de notre appartement, c’est là que j’ai réalisé que j’étais bel et bien à Montréal, mais j’ai surtout réalisé que mon chez moi, je le regardais différemment. Je posais mon regard sur ma ville de la même façon que je m’y étais habituée à le faire durant les 4 derniers mois. Un regard en mode découverte, en mode fascination, en mode voyageur. Mon regard était beaucoup plus attentif qu’auparavant, mon odorat captait les odeurs de la ville, j’appréciais le moment présent. J’ai pris le volant de mon auto et je me suis sentie au ralentit. Toutes ces voitures autour de moi qui s’entrecoupaient sans aucune courtoisie. Les klaxons, qui ici ne font pas qu’anoncer leur présence, mais plutôt leur mécontentement et surtout le stress d’arriver avec 3 minutes de retard à destination. J’ai senti un décalage. Je ne vous cacherai pas que je me suis demandée qu’est-ce que je faisais là. Là-bas, on était si loin de tout ça, si loin des tracas du quotidien qu’on vit ici. On entend souvent :
C’est pas ça la vrai vie. Il faut revenir à la réalité un moment donné !
Qui a dit que ça devait être ça la réalité ? Et puis peu importe qui l’a dit, si on a envie de nous créer une autre réalité, rien ne nous empêche de tout faire pour y arriver. Je n’ai jamais été du genre à rentrer dans le moule… Depuis mon adolescence, je défends très souvent des convictions bien différentes de ceux de la majorité. Ce retour de voyage est loin de me donner envie de m’éteindre et de me fondre dans ce fameux moule. Au contraire, j’ai l’impression que ce retour va me donner des ailes et l’envie profonde de poursuivre ma voie à moi.
Un voyage qui dure 4 mois, c’est loin d’être des vacances. On a assez de temps loin de la maison pour avoir l’impression qu’un nouveau mode de vie s’est installé. On s’habitue très rapidement à changer de maison à tous les 3-4 jours, à être constamment en mouvement, à partir à la découverte tous les jours vers de nouveaux endroits. Le truc, c’est que ce mode de vie, j’ai eu l’impression qu’il collait tellement à la personne que je suis. Enfin, je me suis sentie à 100 % à la bonne place dans ma vie, exactement où je devais être. Alors forcément, le retour soulève chez moi beaucoup de questionnements.
Depuis notre retour, on nous pose souvent la question :
Pis ? Comment c’était ?
J’ai remarqué que depuis quelques temps, je réponds presqu’à chaque fois une réponse toute faite, voire même un peu clichée. Je constate que peu importe les mots que j’utilise pour essayer de décrire ne serait ce que 10 % de ce que j’ai vécu là-bas, je n’arrive pas à me faire comprendre. Comment expliquer une expérience aussi renversante ? Le voyage c’est tellement plus qu’un pays préféré, un paysage paradisiaque ou un repas qui goutait le ciel. Le voyage, c’est surtout à l’intérieur de soi qu’il se vit. Il nous bouscule, nous rentre dedans et surtout, il ne se termine pas lorsque l’avion rejoint le gate en arrivant à Montréal. Le voyage, il a commencé bien avant le départ et il risque de faire son oeuvre encore pour bien longtemps. Le voyage qu’on vient de faire fait partie de la personne que je suis maintenant et ça me fait tout drôle de reprendre ma vie exactement là où je l’avais laissée en janvier. J’ai l’impression d’avoir laissé une partie de monopoly sur la table qui est restée intacte pendant ces 4 mois. On doit reprendre la partie, mais j’ai une forte envie de changer les règles. Ces nouvelles règles s’imposeront certainement de par elles-mêmes…
La vie va si vite ici, elle déboule sans qu’on ait le temps de la voir passer. Ce dont je peux être certaine, c’est que ce voyage aura laissé une trace indélébile sur ma peau, une belle cicatrice que je suis loin d’avoir envie de cacher. Il m’aura fait prendre conscience que ma plus grande richesse est le temps dont je dispose…
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7 Commentaires
Quel beau texte ! C’est vrai que c’est difficile et que ca fait réfléchir un retour de voyage ! Bon retour à vous deux 🙂
Chère Palm, je t’ai lu et j’étais touche et sensible à ce que ce passe pour toi dans ton monde intérieur. Fais confiance à ton senti et c’est lui qui te guidera vers ton chemin,ton pays, ta route etc. Laisse le temps agir et le prends le temps d’accueillir ses émotions qui sont juste sans mots. Bonne suite à toi et merci de ta belle générosité de ton vécu remplie de richesse.
Micheline G
Beau texte et bon retour à vous deux 😉 Je tente d’imaginer un temps soit peu ce que mon retour en Belgique pourrait être après un an au Canada. Je l’imagine difficilement et n’ai pas envie d’un retour dit « définitif ». Partir à l’aventure, découvrir une nouvelle culture, vivre une autre vie, est quelque chose de tellement bon, beau et apaisant pour soi-même 🙂
C’est vrai! Vous êtes revenues! Wow, j’ai hâte de lire la suite de ces réflexions!
Pour ma part, je suis une bizarre qui ADORE les retours de longs voyages (mais je n’ai jamais testé les courts voyages non plus, peut-être que mes réactions seraient différentes?). Je les trouve aussi excitants que les départs et que le voyage en soi. Je les vois comme un élan vers de nouveaux projets, vers la continuation (et non le retour à) de nos vies extraordinaires qu’on a forgées à notre image et qui ne nous donne pas l’envie immédiate de tourner les talons et repartir de suite.
Je pense que les longs voyages sont révélateurs de ceci : ils permettent de mieux constater ce que l’on veut dans la vie, ce que l’on veut comme vie et sont un merveilleux tremplin pour agir.
Continue de changer les règles!
(J’adore cette métaphore avec la partie de monopoly)
xx
Des retours de longs voyages on en a connu, c’est toujours bizarre comme impression; L’impression que les choses et gens ne changent pas même en un an, alors que toi tu te sens bouleversé par ce que tu as vécu. Oui les réponses toute faites je vois ce que tu veux dire. De toutes façons, les autres n’y étaient pas, que peuvent-ils comprendre? A part l’écrit, il est difficile de faire partager ces sentiments aux autres. Sinon, autre solution pour éviter les questions sur le retour? Un autre projet, plus long terme, et comme nous, tu ne reviens pas! Bises. Philippe
Ca fait longtemps que je visite votre site ! bravo pour vos articles
Merci beaucoup! 🙂